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PET'S

 Dans mon enfance, le personnage de Tarzan me fascinait. C’était l’ami des grands animaux de la forêt vierge ; il les protégeait et eux aussi le défendaient contre ses ennemis. Il était beau, fort, brave et intrépide ; surtout, il avait du cœur et il combattait les méchants. Je rêvais de lui ressembler un jour.

 Cela fait maintenant si longtemps que j’entends dire que ces magnifiques animaux sauvages sont en voie de disparition, que mon cœur se serre quand je pense à eux. Que puis-je faire pour les aider, me suis-je souvent demandé. Cette question m’a longtemps tourmenté. Elle était vivante au fond de moi ; elle m’a imprégné intimement  et durablement pendant tant d’années, me plongeant dans un sentiment de profonde impuissance.

 Puis un jour, il y a peu, de cette interminable latence, la réponse a surgi, lumineuse, évidente, irréfutable, définitive : J’allais les recréer avec mes moyens, aider à ce que le public soit plus conscient de ce drame qui nous concerne tous : La sixième extinction (la cinquième ayant été , il y a soixante-cinq millions d’années, fatale aux dinosaures.

 Oui, j’allais les peindre et la force de mon amour le galvanisant, mon modeste talent allait, j’ose l’espérer, magnifier ce combat sacré et entraîner les cœurs dans un vaste mouvement qui ne pourra aller qu’en s’amplifiant et dont je suis convaincu qu’il aboutira inévitablement à une situation plus favorable au sort de mes amis (et accessoirement, ainsi que le prédisent des gens bien informés, au nôtre).

 Il est admis dans les milieux compétents que l’éveil de la conscience humaine, qui nous a mené de l’état sauvage à ce que nous sommes maintenant devenus, a correspondu, en tous lieux, avec la nécessité pour l’homme de s’exprimer par le moyen de représentations de nature artistique. Depuis des dizaines de milliers d’années, sur toute la planète, l’homme illustre, sur les parois de grottes, des représentations de grands animaux. J’ai même entendu dire à la radio par un spécialiste, qu’il pensait que ces dessins animaliers réalisés par nos lointains ancêtres, de par leur omniprésence dans le temps et dans l’espace, avaient certainement fini par intégrer nos gênes et étaient devenus pour l’être humain, une nécessité vitale autant que mystique. C’est ainsi que pendant plus de soixante mille ans, nous avons exprimé notre créativité par des représentations animalières. C’est seulement depuis les quelques derniers milliers d’années que l’homme s’est aventuré sur d’autres thèmes (en termes de temps, une toute petite parenthèse).

 Par ailleurs, depuis longtemps, je m’interrogeais sur la nature véritable de la peinture. Il me semblait que chaque tableau était une fenêtre ouvrant sur un autre monde que celui  dans lequel il était accroché.  Mon impression était qu’à chaque fois, c’était une invite à s’échapper du lieu où nous nous trouvions. Comme un rêve vient se substituer à la réalité présente.

 Très bien, mais n’y avait-il pas une possibilité de réaliser la démarche opposée ? Au lieu de fuir  mentalement l’espace dans lequel nous nous trouvons, n’y a-t-il pas un moyen de l’exalter, de le charger d’un sens plus signifiant ?

 Avec mes « pets », j’ai bien l’impression d’œuvrer dans ce sens. La pièce dans laquelle ils se trouvent devient le territoire de mon animal. Il va le défendre contre tout intrus. Ces deux éléments de natures tout à fait  étrangères entrent alors en symbiose.

 Par de vieux réflexes ataviques, nous avons été accoutumés à redouter les grands fauves. Mais si nous parvenons à établir avec eux un climat de confiance – tels Mooglie avec les loups ou Tarzan aves les singes-, alors dépassant les vieilles peurs ancestrales, nous ne considérerons plus l’autre en termes proie-prédateur, et lumineusement, un jour nouveau se lève.

 Entre le fauve sorti de mes mains et son maître va se créer une relation d’intimité et je l’espère d’affection qui grandira avec le temps, comme il en va des anciennes et fidèles amitiés.

                                                                                                                              Michel Vu

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